• La structure de Notre-Dame

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  • Les fondations de Notre-Dame

    Olivier de Châlus

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    Deux enjeux concernent les fondations de Notre-Dame de Paris.
    Le premier est de maîtriser l’incidence de leur réalisation dans la chronologie du chantier. Le décalage entre les dates de démarrage des projets, que l’on connaît généralement, et la pose des colonnes, dépend du temps pour les établir. Il est donc impératif de savoir l’évaluer. À Notre-Dame de Paris, deux sondages nous sont connus de l’époque moderne, évoquant des massifs maçonnés d’une profondeur entre six et neuf mètres. Ces données sont cohérentes avec la profondeur donnée par Viollet-le-Duc aux fondations de la sacristie ou à ce que l’on sait de celles de l’Hôtel-Dieu médiéval. Elles ont par ailleurs pu alors être confirmées par l’analyse des données géologiques et géotechniques disponibles auprès du BRGM. Les fondations de la cathédrale semblent donc appuyées sur les alluvions anciennes de la Seine à l’altimétrie de 26 m NGF, cote du débit d’étiage de la Seine à neuf mètres sous le parvis actuel. En moyenne, l’altimétrie médiévale urbaine était par ailleurs un à deux mètres sous le niveau actuel du parvis.
    Le second enjeu est d’identifier des fondations existantes et non chargées pour pouvoir, dans les semaines et mois à venir, s’affranchir de travaux de fondations invasifs dans des terrains anthropiques. Viollet-le-Duc a affirmé qu’initialement, la cathédrale ne disposait pas de transept. Il s’appuie sur la découverte de massifs de fondations dans cette zone. Malgré les travaux de Caroline Bruzelius qui allaient dans ce sens, cette hypothèse a été écartée par la communauté scientifique. Pourtant, de nombreux éléments corroborent cette hypothèse. En particulier, le fait que la travée la plus occidentale du chœur est anormalement plus large que n’importe quelle autre et que le transept attenant est lui-même plus large que la nef. Comme indiqué sur le schéma ci-dessus, le cumul de ces deux espaces correspond en réalité à celui qu’occupaient exactement quatre travées régulières du reste de l’édifice, démolies pour l’insertion du transept aligné sur la face ouest des escaliers des tribunes. Les fondations correspondantes doivent être en place.
    L'explication des différences entre les élévations est et ouest du transept en découle. La première s’appuie sur des fondations robustes spécifiquement construites ; la seconde reprend des fondations existantes et moins volumineuses des travées courantes de la nef. Ses piliers sont donc plus compacts pour s'y adapter. On peut par ailleurs en déduire que les fondations ne sont pas faites d’une grille maçonnée.

     

    Éléments bibliographiques :
    Base de données de sol du BRGM www.infoterre.brgm.fr
    Philippe Bernardi, Bâtir au Moyen Âge, 2011
    Alain Erlande-Brandenburg, Notre-Dame de Paris, 1997
    Olivier de Châlus, Thèse de doctorat, en préparation sous la direction de Philippe Bernardi

     

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    Mise en ligne le 29 avril 2019

  • Les arcs-boutants de Notre-Dame

    Olivier de Châlus

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    La configuration d’origine des arcs-boutants de Notre-Dame de Paris constitue la question historiographique la plus tenace de la cathédrale. Cinq théories a minima se sont succédé depuis Viollet-le-Duc sur le mode de contrebutement initial de la cathédrale. Elles s’articulent autour de deux questions : des arcs-boutants étaient-ils prévus à Notre-Dame de Paris dès le XIIe siècle et, si oui, de quel type étaient-ils avant d’être remplacés, au XIIIe siècle, par des arcs-boutants dont la morphologie correspond à celle que l’on connaît aujourd’hui.
    Cette question semble avoir été tranchée par Andrew Tallon par l’analyse des déformations, le conduisant à conclure que des arcs-boutants étaient en place au moment du voûtement de la cathédrale. Deux questions restent pourtant en suspens : pourquoi les arcs-boutants de la cathédrale ont cette particularité d’enjamber les deux vaisseaux latéraux d’une seule volée et, parmi eux, comment expliquer la singularité de la culée intermédiaire de l’arc-boutant des Rois-Mages, situé au nord-ouest du chœur.
    En réalité, l’enjambement d’une seule volée semble avoir été la règle dans le cas d’églises à double bas-côté – comme à Saint-Rémi de Reims – avant que les culées intermédiaires n’apparaissent sur les chantiers de Chartres et de Bourges au milieu des années 1190. Jusqu’à cette date, les colonnes inter-bas-côtés étaient trop frêles pour supporter un tel dispositif. Ce n’est qu’à partir de la toute fin du XIIe siècle que ces colonnes ont été épaissies permettant la mise en œuvre d’arc-boutant à double enjambement qui devint alors la règle. Seule exception à ma connaissance à cette chronologie : le cas de Saint-Denis, où les arcs-boutants au XIIIe siècle surplombent des bas-côtés du XIIe siècle.
    L’arc-boutant des Rois-Mages, quant à lui, repose sur une pile inter-bas-côté plus épaisse et plus tardive que pour les autres cas. Il correspond donc, contrairement à ce que disaient certains auteurs, à un cas plus tardif et non à la configuration initiale de contrebutement de la cathédrale ; mais pourquoi ? L’histoire de l’édifice abordée sous l’angle des techniques ouvre donc d’autres questions, et trace de nouveaux chemins vers la connaissance des édifices anciens…
     
    Éléments bibliographiques :
    Andrew Tallon, La technologie 3D au service de Notre-Dame, dans la grâce d’une cathédrale : Notre-Dame de Paris, 2013
    Olivier de Châlus, Thèse de doctorat (en préparation sous la direction de Philippe Bernardi

     

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    Mise en ligne le 29 avril 2019

  • Les chapelles de Notre-Dame

    Sabine Berger

    Notre-Dame de Paris_chapelles nord du choeur (24 avril 2019)

    Si la couronne de chapelles du chevet, tout comme les chapelles latérales de la nef, n’ont pas été directement impactées par l’incendie du 15 avril 2019, leur état général appelle toutefois de sérieuses réfections dans les années à venir. Au XIIIe siècle, le parti architectural initial de Notre-Dame fut modifié par l’édification de chapelles sur l’ensemble de son pourtour, un phénomène partagé par bien d’autres églises tout au long du Moyen Age. Adjointes aux édifices religieux, les chapelles constituent des oratoires privés à l’usage de familles nobles ou bourgeoises, de confréries ou de membres du clergé local qui peuvent participer au financement de leur construction ou y instituer et doter des chapelains chargés de célébrer des messes en leur mémoire ; certains fondateurs privilégiés peuvent également s’y faire inhumer. Le terme « chapelle » – capella, en latin – connaît plusieurs acceptions, cette polysémie soulevant de fréquentes difficultés d’interprétation : édicule secondaire greffé à l’édifice principal, autel associé à une dotation perpétuelle destinée à l’entretien d’un desservant (on parle alors plus communément de « chapellenie », un bénéfice ecclésiastique), ensemble des desservants attachés à un oratoire ou ensemble des instruments liturgiques essentiels au culte. Il est possible d’établir une chronologie relative de l’édification des chapelles de la cathédrale grâce aux dates de fondation de chapellenies qui nous sont parvenues : il faut cependant bien différencier les sommes consacrées aux chapelains, dont le détail apparaît dans les actes de fondation, de celles vouées à la construction effective des chapelles, émanant rarement des fondateurs, contributeurs éventuels aux travaux financés et conduits par le chapitre cathédral. A Notre-Dame, les chapelles ont été progressivement bâties, d’abord le long des bas-côtés de la nef puis autour du chœur (travées droites et rond-point), entre les années 1220 et la fin du premier tiers du XIVe siècle. Les quatorze chapelles (c. 1225-1245/1250) de la nef ouvrent sur les collatéraux externes. Elles ont toutes été édifiées dans un espace prédéterminé défini par l’intervalle compris entre deux contreforts, ces derniers devenant les parois latérales des chapelles. Afin de maintenir un éclairage adéquat, ces chapelles ont été percées de vastes baies à meneaux. Les chapelles les plus proches des bras du transept ont été attribuées tantôt à Jean de Chelles, tantôt à Pierre de Montreuil tandis que les plus occidentales sont dues à un maître d’œuvre inconnu. Après l’allongement du transept au milieu du XIIIe siècle, entamé par Jean de Chelles, ont été aménagées les chapelles du chœur et de l’abside (cinq chapelles droites au nord comme au sud et cinq chapelles rayonnantes plus dilatées), toujours entre les contreforts : Jean de Chelles († 1258) puis Pierre de Montreuil († 1267) se sont vraisemblablement attelés à la conception de la majorité des chapelles des travées droites du chœur – la question demeure délicate ; Pierre de Chelles, puis son successeur Jean Ravy, sont responsables des chapelles rayonnantes (chapelle d’axe et chapelles adjacentes) ainsi que des dernières chapelles droites du chœur (c. 1296-1320/1330). Isolées des espaces de circulation par de minces grilles de fer, richement ornées de vitraux historiés, de statues et de peintures, pourvues d’objets liturgiques précieux et illuminées de cierges, les chapelles de Notre-Dame de Paris comptent parmi les plus précoces constructions de ce type et ont contribué à offrir à la cathédrale sa physionomie définitive. Elles devraient pouvoir bénéficier à nouveau de l’attention des chercheurs à la faveur des restaurations qui s’annoncent.

     

    Orientation bibliographique :

    Aubert (Marcel), Notre-Dame de Paris. Sa place dans l’histoire de l’architecture médiévale du XIIe au XIVe siècles, Paris, H. Laurens, 1920.
    Berger (Sabine), « Les initiatives particulières » et « Les chapelles latérales », Notre-Dame de Paris, dir. Mgr André Vingt-Trois, Place des Victoires/La Nuée Bleue (La grâce d’une cathédrale), Strasbourg, 2012, p. 38-39 et p. 100-106.
    Bruzelius (Caroline), « The construction of Notre-Dame in Paris », The Art Bulletin, t. 69, n° 4, décembre 1987, p. 540-569.
    Davis (Michael T.), « Splendor and Peril : the Cathedral of Paris, 1290-1350 », The Art Bulletin, t. 80, n° 1, mars 1998, p. 34-66.
    Freigang (Christian), « Chapelles latérales privées : origines, fonctions, financement. Le cas de Notre-Dame de Paris », Art, cérémonial et liturgie au Moyen-Age, actes du colloque 3e cycle romand de Lettres, Lausanne-Fribourg, 24-25 mars, 14-15 avril et 12-13 mai 2000, Viella (Etudes lausannoises d’histoire de l’art, 1), Rome, 2002, p. 525-544.
    Kraus (Henry), « New documents for Notre-Dame’s early chapels », Gazette des Beaux-Arts, sér. 6, t. 74, 1969, p. 121-134.
    Sandron (Dany) et Tallon (Andrew), Notre-Dame de Paris, neuf siècles d’histoire, Parigramme (Guides thématiques), Paris, 2013.

     

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    Mise en ligne le 30 avril 2019

  • Quelles armatures de fer à Notre-Dame ?

    Maxime L'Héritier et Philippe Dillmann

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    La question de l'usage du fer à Notre Dame de Paris n'a jamais fait l'objet d'études précises contrairement aux autres grandes cathédrales françaises comme Amiens, Beauvais, Bourges, Chartres. C’est un manque quand on connaît le rôle joué par ce métal dans la structure des grandes cathédrales gothiques.

    La principale source d’information date du XIXe siècle avec les rapports des travaux de Lassus et les remarques consignées dans le dictionnaire de Viollet-Le-Duc. Il rapporte que la grande corniche à damiers qui couronne le chœur de la cathédrale de Paris, et qui dut être posée vers 1195, se compose de trois assises de pierre dure formant parpaing, dont les morceaux sont tous réunis ensemble par deux rangs de crampons.

    Les archives des travaux de la commission des documents historiques pour l’année 1846 rapportent que Lassus a adopté un nouveau mode de chaînage par grandes parties consolidant les deux assises supérieures. Certainement celui que l’on voit de l’extérieur ceignant le haut du chevet. Ces éléments du XIXe n'ont jamais été étudiés et sont certainement cruciaux pour la tenue actuelle du bâtiment.

    La restauration est l'occasion de mener cette enquête indispensable pour comprendre l'usage et le rôle de ce métal dans la structure de la cathédrale, dans les parties hautes mais aussi dans les parties médianes et basse, jamais explorées, en particulier les grandes roses. Rappelons qu'en 2009 un double chaînage du XIIIe siècle inconnu jusqu’alors a été découvert lors de travaux au sommet du mur gouttereau de la nef de la basilique de Saint Denis et qu’en 2015, d’imposants cerclages étaient découverts dans la rose occidentale de la cathédrale de Reims.


    Bibliographie :

    Eugène Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, Paris, Édition Bance-Morel, 1854-1868, tome 2, p. 400.

    Jean-Michel Leniaud, Jean-Baptiste Lassus, 1807-1857, ou, Le temps retrouvé des cathédrales, Genève, Droz, p. 101

     

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    Mise en ligne le 22 avril 2019

  • La question de la datation des voûtes

    Olivier de Châlus

    Faux joints d’appareillage au transept sud – photo : Cyril Preiss (technologie Gigascope)

    La chronique de Guillaume le Breton nous rapporte qu’en 1218 un homme, caché dans les combles du chœur, enflamma des tentures en tentant de dérober, avec des cordes et des crochets, des chandeliers allumés sur le maître autel. Si cet événement relaté l’année même de sa survenue est vrai, alors les voûtes du chœur ne pouvaient pas être posées à cette date ; elles auraient en effet empêché son larcin. Pourtant, tous les auteurs qui ont travaillé sur la question du chantier de Notre-Dame de Paris ont considéré que les voûtes du chœur devaient être en œuvre au moment de sa consécration, c’est-à-dire en 1182…

    Cet événement anecdotique d’apparence est en fait d’une grande importance. Il remet tout d’abord en question la date, très centrale dans l’historiographie de Notre-Dame de Paris, de la pose des voûtes du chœur. Ensuite, il met en lumière le choix fait d’une cohabitation entre chantier et liturgie, choix dont il faut étudier les conséquences, tant à Notre-Dame que dans d’autres édifices. Enfin, les voûtes du chœur seraient au moins de trente-six ans plus récentes que supposées, soit entre un tiers de siècle et un demi-siècle. L’hypothèse de choix tardif de bâtir un transept, soulève également la question de la temporalité de la pose de ses voûtes, dont beaucoup d’éléments sont aujourd’hui au sol et donc analysables.

    Une étude pétrographique et tracéologique pourrait éclaircir cette question. Par ailleurs, les relevés photographiques très haute définition réalisés par Cyril Preiss ont permis de constater que les voûtes de Notre-Dame de Paris ont conservé des faux joints et des traces de polychromie, peut-être médiévaux, au niveau du transept et de l’intérieur du massif occidental (voir figure ci-dessus). Une cartographie et une étude stratigraphique de ces enduits résiduels permettraient de mieux comprendre les campagnes de travaux correspondantes, d’en estimer de premières datations, notamment en les comparant avec la polychromie de la façade qui a fait l’objet d’étude dans les années 90, et d’analyser les interventions réalisées sur les voûtes de la cathédrale au cours de son histoire, comme par exemple ce projet de transformation de la voûte de la croisée au début du XVIe siècle.

     

    Éléments bibliographiques :

    Sylvie Demailly, L’étude de la polychromie de la façade occidentale, Monumental, 2000.

    Cyril Preiss, Relevé de la rose sud de Notre-Dame de Paris – www.gigascope.net

    Olivier de Châlus, Thèse de doctorat, en préparation sous la direction de Philippe Bernardi

     

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    Mise en ligne le 11 mai 2019

  • L'allongement des bras du transept

    Yves Gallet et Marlus Schlicht

    Aux alentours du milieu du XIIIe siècle, la physionomie de Notre-Dame telle qu’elle avait été conçue dans les années 1160 avait significativement évolué. Le corps de la cathédrale était entièrement sorti de terre, mais à partir des années 1220, des travaux de transformation avaient été entrepris dans la nef : amélioration de l’éclairage du vaisseau central par l’allongement des fenêtres hautes, reprise des tribunes et du système de contrebutement, adjonction de chapelles latérales entre les contreforts des bas-côtés. La création de ces dernières, qui élargissaient au sol l’emprise de la nef, menaçait de faire apparaître les façades nord et sud du transept en retrait de l’alignement du mur des bas-côtés : c’est la raison que les historiens de Notre-Dame ont avancée pour expliquer la décision qui fut prise alors d’ajouter une travée, donc une nouvelle façade, à chacun des bras du transept. On ne peut exclure d’autres facteurs : recherche de prestige de la part du clergé (les chanoines accédaient à la cathédrale par le portail du bras nord, l’évêque par celui du bras sud), concurrence avec la Sainte-Chapelle dans le paysage urbain, rivalité avec l’abbatiale de Saint-Denis, où les façades du transept avaient été édifiées peu de temps auparavant. Avec leur composition tripartite – portail, triforium ajouré, grande rose rayonnante –, les façades de Notre-Dame prennent en effet modèle sur celles de Saint-Denis. On peut supposer que l’architecte de la cathédrale eut pour consigne de surpasser les façades de la grande abbaye royale, éternelle rivale de la cathédrale. Sans doute pour la première fois dans l’architecture gothique, il conçut une façade, qui, au lieu de simplement superposer les niveaux, les fusionne tous en un tableau unique. La composition brillante qu’il élabora, impensable sans un recours généralisé au nouveau medium qu’était alors le dessin architectural, constitua aussitôt une référence incontournable pour l’architecture gothique à l’échelle européenne.

     

    Les travaux, menés dans les décennies 1250 et 1260, correspondent à la période d’activité documentée de Jean de Chelles puis de Pierre de Montreuil. Il faut y ajouter par la pensée la première flèche de Notre-Dame, peut-être dessinée elle aussi par l’un ou l’autre de ces deux architectes.

     

    Les façades sont conçues l’une et l’autre sur le même schéma tripartite : un portail, étendu visuellement à l’ensemble de la partie inférieure par une série de gâbles élancés ; au niveau intermédiaire, un triforium vitré, caractéristique du style gothique rayonnant ; une vaste rose qui occupe toute la largeur de la travée. L’ensemble est surmonté d’un pignon triangulaire, agrémenté d’un décor de polylobes refaits par Viollet-le-Duc dans un style plus chargé que l’original, et d’une petite rose ajourée destinée à l’aération des combles de la charpente. Ce sont ces deux pignons qui ont le plus directement souffert de l’incendie du 15 avril 2019.

     

    Orientation bibliographique :

    Marcel Aubert, La cathédrale Notre-Dame de Paris. Notice historique et archéologique, Paris, 1909, p. 11-13, 72-74

    Dieter Kimpel, Die Querhausarme von Notre-Dame zu Paris und ihre Skulpturen, Bonn, 1971.

    Dieter Kimpel et Robert Suckale, L’architecture gothique en France 1130-1270, Flammarion, Paris, 1990, p. 410-421

    Alain Erlande-Brandenburg, Notre-Dame de Paris, Nathan-CNMHS, Paris, 1991, p. 147-167

    Markus Schlicht, « La rose médiévale de la cathédrale de Poitiers et les roses gothiques du XIIIe siècle en France », in : Arch-I-Tech 2010, Actes du colloque Cluny (France), 17-19 novembre 2010, Bordeaux, 2011, p. 193-202

    Dany Sandron, « Les nouvelles façades du transept (vers 1245-1270) », dans Mgr André Vingt-Trois (dir.), Notre-Dame de Paris, Editions La Nuée Bleue (La grâce d’une cathédrale), Strasbourg, 2012, p. 95-100.

     

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    Mise en ligne le 11 mai 2019

  • Structure et voûtement : l’invention architecturale dans les années 1160

    Claude Andrault-Schmitt

    Cathédrale de Poitiers, transept, comble, voûte à nervure pénétrante, fin du XIIe siècle, charpente immédiatement postérieure

    Cathédrale de Poitiers, transept, comble, voûte à nervure pénétrante, fin du XIIe siècle, charpente immédiatement postérieure

    Un des titres de gloire de la cathédrale de Paris est la mise en place, à une très grande hauteur, de voûtes d’ogives associées à une élévation formée d’un étagement de type pyramidal.

    Si ce choix audacieux détermine bien l’image définitive de l’édifice, qui est comme arrimé près de la Seine grâce à ses arcs-boutants, il faut bien dire que la définition du projet des années 1160 ne va pas de soi. Le « déshabillage » mental d’un bâtiment qui a bien vécu de siècle en siècle (il faut enlever par la pensée le périmètre des chapelles, les arcs-boutants tels qu’ils se présentent, les bras du transept…) effectué par les spécialistes est nécessaire mais difficile à faire comprendre au public, fût-il celui des étudiants en histoire de l’art. Viollet-le-Duc avait compris cet écueil didactique, en montant autour de la croisée du transept (précisément à l’endroit le plus touché par l’incendie) une élévation à quatre niveaux correspondant à son hypothèse sur le premier aspect de la cathédrale – ce qui complique encore sa lecture.

    Plus simplement, il convient de retenir la spécificité du voûtement comme vecteur essentiel de l’invention architecturale et de le replacer dans le contexte de son époque. Epoque à laquelle les choix sont extrêmement variés et tout est tenté, mais pour laquelle certaines solutions (comme celles de Paris) tendent à rejeter dans l’ombre certaines autres, moins porteuses d’avenir. Si les voûtes d’ogives sont réparties à Notre-Dame de Paris dans différents niveaux, ce n’est pas le cas partout. Si elles présentent un profil « aplati » bien commode pour monter haut les parois minces, ce n’est pas le cas partout non plus.

    A défaut de pouvoir parcourir le spectre des possibles que le succès du « gothique de France » a éclipsés, on se contentera de citer un exemple contemporain, opposé en tout à celui de Paris : à la cathédrale Saint-Pierre-Saint-Paul de Poitiers, un architecte a conçu un ensemble de trois vaisseaux d’égale hauteur mettant en valeur la juxtaposition de voûtes d’ogives minces mais bombées (de type « angevin »), simplement portées par leurs piliers : pas de parois amincies, pas d’étages, pas d’arcs-boutants… Pas d’antécédent et pas de postérité non plus à cette conception originale de l’espace, qui se distingue entre autres par son éclairement. Il s’agit d’une réalisation pensée vers 1155, dont les premières voûtes sont montées avant 1167.

    Ce cas, pour exotique qu’il soit, doit attirer l’attention sur la nécessité d’étudier, de dater, de comprendre et de faire comprendre les modes de voûtement, au cas par cas et en se méfiant des idées reçues : statique, esthétique, procédés de chantier, proportion de coffrage nécessaire, poutraison provisoire, matériaux, ordre de pose entre charpente et voûte (pas évident), etc. Par exemple, on notera que le « type angevin » évolue à la fin du XIIe siècle : les nervures traversent les voûtes, elles ne les « portent » pas. Voilà qui donne raison aux adversaires de Viollet-le-Duc quant à la compréhension des ogives…

     

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    Mise en ligne le 16 mai 2019